La gestion des comportements à la maison

Par Marie-Pier Savard

En fin de journée, quand les enfants et les parents sont fatigués, l’impatience et les mauvais comportements peuvent facilement se frayer un chemin et faire en sorte que la soirée ne se passe pas aussi bien que prévu. Pourquoi ne pas utiliser les astuces de la classe pour prévenir et corriger les comportements indésirables à la maison? Cela permettrait de retrouver l’harmonie dans le quotidien.

Tout comme les notions académiques, les comportements appropriés ont besoin d’être enseignés aux enfants.  L’enseignement explicite a fait ses preuves auprès d’un grand nombre d’élèves depuis très longtemps. Mais qu’est-ce que cela signifie? L’enseignement explicite est une stratégie d’enseignement structurée qui divise le contenu à enseigner (qu’il soit fait de savoirs ou de comportements) en étapes séquencées et fortement intégrées. En d’autres mots, l’enseignement explicite cherche à éviter l’implicite. Il sera donc nécessaire de dire clairement et spécifiquement ce qui est attendu, de le montrer en exécutant le bon comportement nous-mêmes et de guider les jeunes dans la pratique de leur exécution tout en les encourageant.

De plus, l’enseignement explicite du comportement devra être formé de deux types d’interventions en interaction : les interventions préventives et les interventions correctives. Il est important de mentionner que les deux systèmes doivent être présents pour que le tout fonctionne correctement.  Si nous devons chiffrer le tout, 80% de notre énergie devrait être mis en prévention, et seulement 20% en correction (conséquences et punitions).

La grande majorité de notre temps devrait inciter les enfants à adopter les bons comportements en adoptant toutes sortes de stratégies préventives. Selon la recherche, la prévention est beaucoup plus efficace et moins coûteuse en énergie que les interventions qui demandent de gérer un comportement indésirable ou une situation conflictuelle. D’abord, il sera important de se questionner sur les valeurs qui sont primordiales dans la famille.  Ensuite, il faudra transformer ces valeurs en attentes comportementales en réfléchissant aux différents contextes de vie quotidienne. Ce processus de questionnement permettra de préciser les règles à suivre et les comportements attendus dans différents contextes. Il serait intéressant d’impliquer les enfants dans la démarche de réflexion en lien avec les comportements désirables dans différents contextes. Cela est davantage important avec nos préadolescents et nos adolescents pour qu’ils comprennent le fondement des règles et qu’ils se sentent impliqués. Les enfants pourraient même illustrer les comportements souhaités.  Ainsi, l’attention est portée aux comportements que l’on attend plutôt que sur une liste d’interdits. Voici un exemple de matrice de comportements d’une école primaire :

Par la suite, entre en jeu l’enseignement explicite des comportements attendus pour respecter ces valeurs et ces règles. De plus, ce dernier devra aussi se faire en contexte réel pour permettre d’encourager et de rediriger certains comportements. Les parents auront le rôle de superviseurs des comportements et cela peut se faire facilement en implantant un système de renforcement des comportements positifs. Il faut noter que l’enseignement explicite du comportement devra se répéter dans le temps pour compenser les oublis.

Le renforcement positif est une conséquence attribuée à la suite d’un comportement précis et qui permet d’augmenter la répétition de ce comportement. Cette conséquence doit être agréable aux yeux des enfants pour qu’ils reproduisent le comportement visé. Il est important que le système de renforçateur ne soit pas utilisé pour punir, mais qu’il soit consacré uniquement au renforcement des comportements positifs. Par exemple, l’enfant ne peut pas perdre ce qu’il a déjà gagné en réponse à un comportement indésirable.

Voici un exemple de système d’émulation qui peut être utilisé avec des enfants du primaire ou du secondaire en l’adaptant à l’âge et aux intérêts de ceux-ci. Il permet aux parents d’inscrire sur le tableau de leur enfant ou de demander à ce dernier de le faire, les bons comportements observés en fonction des règles émises tout en félicitant l’enfant de vive voix. À la fin de la journée ou de la semaine, le décompte des bons comportements et la remise des jetons sont effectués. C’est à vous de planifier le nombre de comportements attendus qui équivaut à un jeton. Les enfants peuvent, par la suite, magasiner leur privilège en fonction du nombre de jetons mérités.  Ces derniers sont cumulables, ce qui permet au jeune d’anticiper et de prévoir un plus gros privilège.  Les récompenses peuvent être choisies selon les goûts des enfants et avec eux.

À moment ou à un autre, les règles seront transgressées et il faudra intervenir de façon corrective.  Il y a plusieurs façons d’intervenir pour corriger un comportement indésirable et, bien entendu, les conséquences seront graduées.  En début de gradation, il serait possible de donner des directives non verbales en touchant le jeune ou en ignorant intentionnellement le comportement non dangereux par exemple.  Ensuite, si cela persiste, des interventions plus précises devront être effectuées; faire un rappel verbal de ce qui est attendu, enseigner à nouveau le comportement souhaité dans ce contexte ou offrir un choix à l’enfant, soit d’adopter le comportement attendu ou un choix moins attrayant. Plus tard dans la gradation, toujours si le même comportement persiste, il serait important de recourir aux conséquences formatives. Les meilleures conséquences sont celles qui sont logiques avec les comportements inappropriés. Ces conséquences formatives permettent de diminuer et même d’éliminer le comportement désagréable, mais aussi d’enseigner le comportement attendu. Par exemple, un enfant qui dessine sur la table au lieu de sur sa feuille vient à l’encontre du respect du matériel. Ce dernier aurait à nettoyer la table comme conséquence logique. Le but étant toujours de donner plus d’attention aux bons comportements qu’aux comportements dérangeants. Par contre, il peut être parfois difficile de trouver une conséquence logique, mais il faut tout de même intervenir.  Il est mieux de donner une conséquence qui n’est pas nécessairement en lien avec le comportement que d’ignorer un écart de conduite majeur, puisque, dans ce cas, ignorer signifie accepter le comportement.

Voici un exemple d’un tableau de compilation des avertissements donnés en fonction des règles de vie de la maison. Les conséquences choisies ici sont en lien avec des tâches ménagères, car la réflexion derrière est le fait que les comportements indésirables dans la famille dérangent le fonctionnement familial et fait en sorte que l’enfant redonne de son temps à la famille. Le tableau est fait pour deux enfants du primaire et du secondaire. Les lignes appartenant aux enfants sont délimitées par la première lettre de leur nom.  Le principe est que, pour donner suite aux conséquences logiques et aux nombreux enseignements et nombreuses répétitions des règles à suivre, les parents demandent à l’enfant en tort de mettre un X dans sa rangée. La conséquence arrive seulement lorsque l’enfant est dans le carré rouge.  Alors, il lance un dé et indique le chiffre dans le carré blanc pour faire référence à la conséquence qu’il devra effectuer. À l’aide de ce système, l’enfant à 4 chances avant d’avoir une conséquence. Il est donc facile pour lui de prévoir ce qui arrivera. Il est important d’expliquer le tout à l’enfant et de mettre les mots sur la raison derrière la conséquence.

Bref, les bons comportements à adopter feront toujours partie de l’éducation des enfants. Pour y arriver, un système incluant des interventions préventives et correctives est de mise. Évitez de gaspiller du temps et de l’énergie sur les comportements dérangeants et misez plutôt sur les bons comportements. Tout le monde en ressortira gagnant!

 

Références :

Gauthier, C. et Bissonnette, S. (2017), L’enseignement explicite, une approche pédagogique pour la gestion des apprentissages et des comportements. Disponible sur : URL https://core.ac.uk/download/pdf/83655619.pdf, consulté le 19 juillet 2023

 

Marie-Pier Savard, orthopédagogue clinicienne

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