Comment travailler les inférences avec mon enfant?

Par Kariane Lebel-Richardson

Qu’est-ce que l’inférence?

Lire entre les lignes, faire des déductions, comprendre l’implicite/les sous-entendus/les non-dits, combler les blancs du texte, comprendre le sous-texte… Ce sont bien de nombreuses expressions qui renvoient en fait à la même habileté, c’est-à-dire celle que nous appelons dans le langage scolaire «faire des inférences». Quand nous parlons de l’inférence nous faisons référence à cette opération mentale qui permet de comprendre ce qui n’est pas explicitement dit ou écrit (Makdissi, 2018). La production d’inférences peut être nécessaire autant pour comprendre ce qui est dit que ce qui est lu. Si certaines inférences sont essentielles au processus de compréhension, d’autres sont plutôt optionnelles et permettraient plutôt d’ajouter des détails au récit. Comme il existe différentes typologies pour les classifier, nous n’entrerons pas dans les détails à ce sujet. Voici néanmoins différents éléments sur lesquels peuvent porter les inférences : les causes/conséquences, les lieux, le temps, les personnages, les objets, les émotions des personnages et leurs motivations, ce qui va arriver ensuite (prédictions), etc. (Graesser et coll. cité par Lavigne, 2008) Il est important de noter que ces éléments pourraient être présents de manière explicites dans un récit. Donc, pour qu’on parle d’inférence, l’information ne doit pas être présente directement dans le texte. Le ou la lecteur∙rice est obligé de se questionner, puis faire des liens entre ses connaissances et les indices présents dans le texte pour arriver à comprendre ce qui n’est pas dit.

 

L’exemple des traces de pas dans la neige

Nous recourons souvent à l’image des traces de pas dans la neige pour mieux expliquer ce qu’est une inférence L’image est la suivante : il est facile d’observer qu’il y a des traces de pas dans la neige. On peut même les analyser et repérer, par exemple, qu’elles atteignent 5 cm de profondeur et qu’elles correspondent à une telle pointure de chaussure. Cela correspond en fait aux indices présents dans le texte que le ou la lecteur∙rice doit être en mesure de repérer comme s’il ou elle était un∙e détective. En plus de ce travail d’observation, le ou la lecteur∙rice doit fournir un effort mental pour rassembler ces indices et tenter de s’imaginer la personne qui a posé le pied à cet endroit, soit son habillement, sa démarche, ce qu’elle pensait à ce moment-là, où elle se dirigeait, etc.

 

Pourquoi s’intéresser aux inférences?

On ne s’entend pas sur la nature exacte de la relation qui existe entre la génération d’inférences et la compréhension de texte. Il n’en reste pas moins que dans toutes les recherches effectuées, on notait que celle-ci avait un impact sur la compréhension de texte, que cet effet soit direct ou indirect (Elleman, 2017). Il est donc important de la prendre en considération lors de l’apprentissage de la lecture. Aussi, n’oublions pas qu’il s’agit du propre de la littérature de ne pas tout révéler et de laisser le lectorat participer activement à la création du récit. En ce sens, l’élève qui progresse dans sa scolarité se verra confronté∙e  à des textes littéraires de plus en plus résistants. Cela signifie donc qu’il ou elle devra déployer activement son raisonnement, en recourant entre autres à la production d’inférences, afin de se bâtir une représentation mentale cohérente du texte.

Comment développer les habiletés à faire des inférences?

L’utilisation d’albums ou de livres illustrés

Il n’est pas nécessaire d’utiliser des textes pour travailler les inférences en particulier si l’enfant éprouve des difficultés avec la lecture des mots (décodage) ou le vocabulaire. Les inférences sont aussi être présentes dans une variété de contexte dont les films, les albums et les livres illustrés. Il faut souvent être nous-mêmes conscient∙es des moments où l’œuvre nous demande de faire une inférence afin de pouvoir questionner l’enfant ou de les expliciter. Dans le cas où il serait plus difficile d’identifier ces moments, nous pouvons aussi les créer. Ainsi, il serait possible, par exemple, de sauter des pages d’un album ou de cacher des cases d’une bande dessinée ou d’un manga. Nous pouvons ensuite demander à l’enfant de remplir les trous dans l’histoire en nous expliquant ce qui s’y trouve selon lui ou elle. L’important quand on travaille les inférences et de demander à l’enfant de justifier son choix. On peut lui demander : Pourquoi dis-tu cela? Y a-t-il des éléments dans le texte qui t’ont aidé.e? Y a-t-il des éléments qui te contredisent dans le texte? Dans un même ordre d’idées, il serait possible de demander à l’enfant d’illustrer par un dessins une scène d’un texte. Il y a fort à parier que pour créer un dessin cohérent, l’enfant devra faire des inférences pour ajuster sa représentation et ajouter des détails.

 

L’utilisation de microfictions

Une deuxième façon de travailler la production d’inférences consiste à recourir aux microfictions. De par leur forme très courte, les microfictions comportent souvent des «trous» que doit combler le ou la lecteur∙rice. En quelques mots se trouve donc proposée toute une histoire que le lecteur ou la lectrice doit activement reconstruire. En voici un bon exemple tiré de l’ouvrage Lector et Lectrix :

Elle tomba. Il plongea. Disparus.

Nous avons besoin pour comprendre cette histoire de déterminer, par exemple, plusieurs éléments :

  • Qui étaient les personnages (une femme et un homme);
  • Où ils se situaient (près d’une étendue d’eau);
  • Pourquoi l’homme a plongé (pour tenter de sauver la femme qui ne savait probablement pas nager)
  • Ce qui s’est passé entre le plongeon de l’homme et le mot «disparus» (il n’a pas été de capable de la secourir, les deux se sont noyés)

 

L’important est de demander à l’enfant de justifier sa réponse sa réponse en s’appuyant sur des indices du texte même s’il est très court. C’est à ce moment aussi que nous pouvons avoir accès à son raisonnement et ainsi mieux comprendre d’où proviennent ses bris de compréhension s’il y en a.

 

RÉFÉRENCES

Cèbe, S., Goigoux, R., Perez-Bacqué, M., & Raguideau, C. (2009). Lector & lectrix. Paris: Retz.

 

Elleman, A. M. (2017). Examining the impact of inference instruction on the literal and inferential comprehension of skilled and less skilled readers: A meta-analytic review.Journal of Educational Psychology, 109(6), 761–781. https://doi.org/10.1037/edu0000180

 

Lavigne, J. (2008). Les mécanismes d’inférence en lecture chez les élèves de sixième année du primaire [thèse de doctorat, Université Laval.] Corpus. https://bib.umontreal.ca/citer/styles-bibliographiques/apa?tab=5248896

 

Makdissi, H., Boisclair, A. et Sanchez, C. (2006). Les inférences en lecture : intervenir dès le préscolaire. Québec français, (140), 64–66. https://www.erudit.org/fr/revues/qf/2006-n140-qf1180399/50477ac.pdf

 

 

 

 

 

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